L'arbre du Ténéré

Un manuscrit de Looping

Poème / Sans titre

Je ne murmurerais pas de nom à l’oreille. Ni de poème tout plein d’amour et d’envie. Puisque aux annonces des temples de merveille, Je suis résolu à rester sur le parvis.

J’ai traversé, sans faillir, des forets de refus, Qui n’ont jamais égratigné ma porcelaine. Pour en sortir, je renonce bien à ce qui fût… Et aussitôt elle perd sa valeur, ma baleine !

Looping février 2022

Prose / Carpe Diem

Je viens vous adresser un message universel, qui sort parfois de la bouche d’hommes et de femmes qui ont survécu, tellement survécu. Cela peu sembler convenu tant c’est devenu commun. Un poème antique d’Horace. Gravé dans la pierre à Rome ou sur les cadrans solaires, tatoué, chanté, écrit sur les pages d'un poème ou sur le sable d'une plage…

“Carpe diem.”

“Ne cherche pas à connaître, il est défendu de le savoir, quelle destinée nous ont faite les Dieux, à toi et à moi, ô Leuconoé ; et n’interroge pas les Nombres Babyloniens. Combien le mieux est de se résigner, quoi qu’il arrive ! Que Jupiter t’accorde plusieurs hivers, ou que celui-ci soit le dernier, [...] sois sage, filtre tes vins et mesure tes longues espérances à la brièveté de la vie. Pendant que nous parlons, le temps jaloux s’enfuit. Carpe diem, quam minimum credula postero. Cueille le jour, et ne crois pas au lendemain.”

Il ne s’agit pas ici d’une invitation à la suprématie du plaisir et à ignorer les conséquences de nos actes. C’est au contraire une discipline de vie saine qui incite à ne pas remettre au lendemain. Tempus fugit ! Le temps fuit ! Il nous faut alors habiter la réalité et ne craindre ni les dieux ni la mort, car nous n’avons rien d’autre que l’instant présent. On dit “Yolo” depuis une dizaine d'années, un acronyme anglais pour dire qu'on ne vit qu'une fois. Jouir de chaque expérience avec intensité : rire des montagnes de rire et pleurer des torrents de larmes. En somme, profiter de la vie. De toute la vie.

Alors, Carpe diem !

Et avant de rendre la parole, je dois évoquer ici, Berthe, ma grand-mère, mais aussi ma tante, Valérie, et mon amie, Bérangère. Elles me manquent. Carpe diem c'est aussi honorer nos morts à travers notre vie.

J'ai dit.

Looping. Discours prononcé lors du mariage de mon frère en juillet 2022.

Poème / Comme une étincelle

Elle m'embrassa comme pour me prier de me taire Je tenais son corps, comme un soleil a bout de main Nous entamions la paix, après une terrible guerre Nous nous occuperons du reste demain.

Elle retira doucement sa chemise Apres m'avoir couché Et mes mains furent misent Partout ou elles pouvaient toucher

Je me suis retrouvé allongé sous elle Comme pour mieux la regarder Finalement, elle fit sauter ses bretelles Pour libérer deux seins que je voulais garder

Sa respiration se fit plus pressante Comme mes doigts sur son corps de sel C'est dans la lumière absente Qu'elle me dis « je t'aime » comme une étincelle...

Looping

Poème / Haïku

Vendanges en autonome Le fermier pense au suicide A longueur de champ

Looping

Poème / Point final

Voir par le spectre d’objets fragiles des immensités Les mots forgeaient, fugaces, quelques merveilles Pendant que chaque fêlures de mon coeur inusité Laissait sur la blessure langueur et couleur vermeil.

Comme on est seul au milieu de la centaine S’agite sans bruit le grelot de la déception Pourtant à mille lieues d’être certaine Celle-ci touche le coeur qui fait défection

Cet espoir est mille fois morts pour rien, Mais comment répondre à la faveur d’un écho ? Il ne restera rien sinon moi qui me souviens De la saveur de son ombre au goût de placebo

Aussi bien qu’un verset emmena cet incendie Ma passion succombe d’un geste d'indifférence Je ne rougissais même pas de ce qu’un sein dit Nous ne partagerons que la désespérance

Looping,

Poème / Le poids d'un cœur

Du crépuscule à l’aube errent mes esprits malicieux Bien que boiteux, défaits, souillés et grinçant à grands cris J’ouvre les yeux et mon cœur, bien que poussiéreux Sur cette contrebande de souvenir attendris

Depuis l'étreinte qui nous enserre et nous perdra Au profond des abysses est au-delà de l’oubli Un souvenir capiteux me pousse dans tes bras Qui fait vaciller tout ce qui a été engloutis

Il faut faire face aux fissures dans la façade Et nouer dans la chair les caresses et les sanglots Les mots qui viennent de naître tombent en cascade Et emporte Décembre dans la quiétude et le repos

Son ombre ne soulève plus que quelques clapotis Et je dois tout détruire ce que j’ai construits en argile Tout ce qu’il reste, c'est un cœur rouillé et son cliquetis Qui doit arpenter la terre en équilibre fragile

Le moindre nerf est débordé d’information Tout dérive lentement sur la délicate incomprise Tous mes corps abandonnent sans sommation Pliant sous le poids d’un cœur qui se brise

Poème / Sans titre

Je ne suis qu’un robot, une machine Le mécanisme d’un automate artificiel Pourtant, le soir il arrive que j’imagine Que je puisse sortir de mon logiciel

Je suis coincé dans ma mécanique Partout boulonné de plein de capteurs Je ne puis dire qu’un son froid et métallique Par-dessus le bruit de mon réacteur

Sur catalogue je ne suis qu’une référence À l’envie je change de configuration Pourtant, je ne suis pas cette apparence Et je rêve de devenir vagabond

Alors que mes nerfs sont faits de fibre Je ne suis qu’un pantin sans hardiesse Si seulement mon cœur de ferraille vibre C’est que j’aime de toutes mes pièces

Looping

Poème / Octobre

Surpris, pendant qu’octobre frappe à ma porte, Je cache la maladie sous quelques branches, Recouvertes de vieilles nappes et de fleurs mortes, Et des couleurs indica de mes nuits blanches...

Looping

Poème / Sweet mélancolie

Dans la fosse commune des espoirs Les oubliés sans frontière sont dehors Parce que tout se résume en une histoire Des étoiles aux étoiles à la vie à la mort

Dans les friches de nos souvenirs Quelques images à pardonner Tant de peut-être à retenir Le remords pour seule monnaie

Et l’on cultive sur les champs de la faim Parce qu’il reste encore trois mondes à refaire L’argent qui vit comme un aigrefin Et tout ça, pour la vie, pour l’enfer

Looping

Poème / Antifa

Le fascisme contemporain ne rampe plus, il chante. Il ne se cache plus dans l’ombre, mais bien plus proche. Partout, parmi nous malgré les taches de sang urgentes, De tranchées en bunker pour un talk-show de la téloche.

Il y a dans l’air comme un parfum des années trente. Comme un incendie dans le cher pays de mon enfance. C’est au cœur de la nuit de notre époque troublante Qu’il faut, adelphes, monter une barricade de défense.

Alors que nous brulons de colère, nous n’avons pas peur, Le corps social caché dans l’artifice et un fard encore ivre ; Laissons donc crier contre le vent tous ces agitateurs ; Il reste les actes sur la terre de quelques esprits encore libres.

Looping juin 2021