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#billet #oisivetéRadicale #feuilleton

Après les blessures narcissiques infligées par Copernic, Darwin et Freud, voilà que le monde occidental lumineux et civilisé à vocation universelle se fracasse sur la réalité des limites biophysiques de notre petite planète.

Sonné, humilié, acculé, il se retrouve, pour faire simple, avec quatre options :

  1. Faire l’autruche.
  2. Négocier avec le réel (spoiler : le réel ne négocie pas).
  3. S’arcbouter sur ses fondations patriarcales, coloniales, racistes, validistes, spécistes, extractivistes, prédatrices, etc., en poussant même tous les potentiomètres à donf, dans un dernier baroud d’honneur.
  4. Faire preuve d’humilité, reconnaître ses errements, faire amende honorable, et se transformer en profondeur pour revenir structurellement dans les limites planétaires.

L’option 1, faire l’autruche, c’est celle qui est pratiquée par le gros du troupeau, pour plein de raisons plus ou moins compréhensibles selon les cas et les situations (et tant pis pour toutes les victimes collatérales qui fabriquent nos gadgets et se récupèrent nos poubelles dans de lointaines contrées peuplées de gens qui n’ont pas su atteindre notre degré de civilisation).

L’option 2, négocier avec le réel, est illustrée par tous ces doux euphémismes et oxymores marketing, comme le développement durable, la transition énergétique, le capitalisme vert, le Green New Deal, l’écologie de production [sic] ou encore le découplage (entre croissance exponentielle infinie et dévastation). Ou dans sa version de gauche : interdisons les jets privés, taxons les milliardaires et nationalisons les moyens de pollution et on pourra vivre notre meilleure vie.

L’option 3, white patriarchal power, c’est plutôt crever que de renoncer à notre exception culturelle (nos privilèges d’hommes blancs placés au sommet de la « pyramide de l’évolution » ou de la création, selon les versions).

Quant à l’option 4, dire oups, désolé, on a merdé, et revenir dans les clous planétaires, la seule option qui permettrait de survivre dans des conditions encore supportables ou de survivre tout court, elle n’est même pas envisageable ni envisagée, bien qu’elle soit pratiquée à la marge, dans les interstices, en loucedé, par quelques éco-anarchistes et autres baba-cools plus ou moins zinzins.

Pourtant, la réalité est têtue :

On se retrouve donc avec des pénuries et des déserts en amont et des pollutions et des effets de bord indésirables comme le réchauffement climatique en aval, phénomènes qui parmi d’autres inconvénients menacent toute la chaîne alimentaire.

Si on voulait sortir de cette spirale infernale :

L’ironie étant que si on ne le fait pas, on finira par épuiser nos ressources, ou les riches monopoliseront celles qui restent, et on sera donc toustes obligé·e·s de vivre grosso-merdo comme les éco-anarchistes et autres baba-cools plus ou moins zinzins sus-mentionnés, mais sous terre ou en scaphandre cette fois.

Malgré cette faillite totale du modèle occidental néolibéral qui hésite encore un peu entre négociation avec les lois de la nature et suicide sabre au clair, la gauche est inaudible.

Peut-être parce qu’on ne comprend rien à ce qu’elle dit ou ce qu’elle veut :

« Il faut revenir dans les limites planétaires, et on vivra dans ces limites planétaires quand on aura démantelé le moteur à explosion des limites planétaires, mais en attendant, ça ne sert à rien de faire pipi sous la douche d’essayer de vivre dans les limites planétaires. »

« On arrêtera de consommer (n’importe quoi n’importe comment) quand on aura abattu la société de consommation. »

« On arrêtera de faire des trucs nuisibles qu’on pourrait très bien arrêter de faire maintenant quand nos chefs auront été élus et prendront des mesures de gauche qui nous dissuaderont ou nous empêcheront de les faire. »

En tout cas moi c’est comme ça que j’entends et que je comprends ce qu’elle dit, et je soupçonne que je ne suis pas le seul.

Mais bien que l’on taxe souvent la gauche d’hypocrisie, je me demande si ce ne serait pas en fait une fausse piste.

Peut-être que si la gauche ne sait plus où elle habite, c’est parce qu’elle est tout autant le produit de l’occident lumineux et civilisé à vocation universelle et aux fondations patriarcales, coloniales, racistes, validistes, spécistes, extractivistes, prédatrices que la droite, et qu’elle refuse obstinément de déconstruire cet héritage encombrant. Pour éventuellement y renoncer. Puis faire ou ne pas faire ce qu’il faudrait faire ou ne pas faire par simple éthique, et pas seulement par obligation ou pour tenter d’éviter la catastrophe.

C’est l’hypothèse que je vous soumets en tout cas.

En attendant de savoir ce que vous en pensez, la prochaine canicule et que la gauche déconstruise son héritage illuminé, je retourne à mon #oisivetéRadicale d’éco-anarchiste embeddé chez les baba-cools plus ou moins zinzins.

Traduction : je vais faire une petite sieste.


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